Les Term STAV en stage

« Activités dans un territoire »

 

Semaine de stage collectif pour les Term STAV Productions: direction la Chautagne et le Valromey, territoire entre plaine et montagne qui va nous permettre de découvrir des ateliers de production diversifiés et un contexte particulier.

 

4 jours en autonomie avec un grand hébergement à Songieu où les élèves vont cuisiner de bons petits plats Bio ou locaux puisque c’est le challenge que leur a proposé Pierre Marigo, enseignant mais aussi pour le séjour : organisateur, chef cuisinier et chauffeur !

 

Jour 1 

 

Début de la semaine avec la rencontre du Président du Syndicat de l’Alpage du Grand Colombier.

Monsieur Bois est le dernier exploitant à avoir utilisé la Réserve Naturelle du Marais de Lavours pour son troupeau de vaches laitières et il en connaît toute l’histoire. Aujourd’hui une convention lie l’organisme gestionnaire du marais au syndicat. Depuis 2011, à la demande des éleveurs dont les génisses manquaient d’herbe, une 50aine de génisses pâturent dans des zones de marais au printemps et à l’automne. C’est une pratique contraignante car il y a des règles spécifiques mais cela permet de ralentir la fermeture de certaines zones dans le marais et les génisses apprécient l’herbe du marais en particulier au printemps!

 

Cet après-midi visite de « La belle verte » une exploitation atypique à Motz qui est un GAEC composé de 4 associés avec deux ateliers: la production de spiruline et de plantes aromatiques et médicinales avec 1500 m2 de serres (pour la spiruline) et 3000 m2 de cultures. La rencontre avec Catherine a permis de mieux comprendre l’organisation particulière au sein du GAEC, des choix qui placent l’individu au centre des décisions de manière à ce que chaque associé trouve du sens à ce qui est réalisé... Des produits transformés: tisanes, sirops, vinaigres, baume et huile de massage, épicés qui sont vendus en magasins de producteurs ou à des épiceries fines. Un nouveau bâtiment permet aujourd’hui de sécher, transformer et stocker les différents produits  dans d’excellentes conditions de travail.

 

Une journée qui s’est terminée au gîte par une salade verte, un bon plat de pâtes, un morceau de reblochon et une compote.

 

 

Jour 2

 

Deuxième jour de notre séjour dans le Valromey à la rencontre de deux éleveurs en races allaitantes.

Eric Morard a Sutrieu élève 50 vaches de race limousine. Les veaux mâles sont vendus à 9/10 mois pour l’Italien où ces futurs taurillons seront engraissés. Les veaux femelles sont gardées pour le renouvellement ou élevées pour être engraissées et abattues à 3 ans dans un abattoir privé tout proche: les établissements Gessler.  Les vêlages ont lieu à l’automne pour éviter les problèmes sanitaires de veaux nés en bâtiment l’hiver. Cette race a été choisie pour remplacer la race charolaise qui présentait trop de problèmes au vêlage. Outre le travail de sélection axée sur les qualités maternelles des mères l’éleveur nous a parlé de la surveillance et des soins qu’il effectue: vaccination, traitement vermifuge. Cet élevage conduit de manière assez classique a permis de rencontrer un éleveur très heureux de faire découvrir son métier et la race limousine.

 

Dans un deuxième temps nous avons visité un autre élevage: un GAEC entre Laurent Varoux et son épouse avec un atelier allaitant en race Angus. Une race testée et adoptée en 2010 en lieu et place d’un troupeau charolais avec pour objectif d’atteindre une autonomie plus grande et d’améliorer la rentabilité de l’atelier. La race Angus se prête particulièrement bien à une valorisation en vente directe. Réputée pour sa viande persillée mais avec un gras de couverture qui permet d’avoir des carcasses qui supportent mieux un temps de ressuyage plus long. En effet, si les carcasses des Angus ne permettent pas d’atteindre des rendements bouchers records la qualité de sa viande est à la hauteur pour satisfaire une clientèle prête à payer un certain prix. L’abattage effectué à quelques km, un temps de ressuyage de 15 jours plutôt que 3 jours dans certains abattoirs, une découpe « à façon » réalisée par un prestataire à Yenne (73) sont autant d’étapes qui permettent d’avoir un produit de grande qualité. Une qualité qui repose aussi sur un service apporté par le GAEC avec des commandes personnalisées en fonction des exigences de la clientèle ( particuliers, restaurateurs, rayon boucherie des supermarchés) et une livraison assurée par des tournées hebdomadaires.


Les vêlages se font sur deux périodes, au printemps et à l’automne, pour assurer une répartition régulière des bêtes prêtes à être commercialisées. La race est précoce ce qui permet d’avoir des vêlages à 2 ans. Les veaux mâles sont castrés et abattus à environ 3 ans.
Les génisses vont être élevées puis mises à la reproduction. En effet cette race permet de conserver une viande tendre sur des vaches de 5/6 ans (300 à 340 kg de poids carcasse). Quelques veaux de lait sont élevés et abattus à 5 mois.
L’objectif à terme est de limiter le troupeau à 80 vêlages par an pour sécuriser l’autonomie fourragère. Un atelier de porcs plein air est à l’étude afin de diversifier les ateliers. La valorisation de la viande pourrait être améliorée en valorisant mieux certains bas morceaux qui vont être séchés (type viande des Grisons). Monsieur Varoux nous a aussi longuement détaillé sa conduite des cultures en semis direct et d’optimisation du travail en CUMA qui lui permet de limiter ses investissements. Un exploitant qui réfléchit son système et n’hésite pas à se lancer dans des projets innovants!

 

C’est d’ailleurs le même exploitant que nous avons retrouvé l’après-midi pour nous présenter l’unité de méthanisation mise en fonctionnement en octobre 2018. Un projet de 1,7 million d’euros mené avec une exploitation laitière de 150 VL avec laquelle Laurent Vuaroux avait l’habitude de travailler. Composé de deux unités, ce système basé sur le principe de récupération des lisiers (voie liquide) pour produire de l’électricité (principe de cogénération) avec un moteur de 236 kWh est basé sur la récupération du gaz méthane (CH4) produit par les fermentations anaérobies dans les deux « cuves » qui s’apparentent à des rumens artificiels. Les effluents d’élevage sont complémentés par l’addition de Cultures Intermédiaires à Valorisation Énergétique (CIVE) produites sur l’exploitation puis prochainement des déchets issus des Industries agro-alimentaires voire de la restauration collective qui nécessitent une hygiénisation (chauffage à 70 degrés) afin d’améliorer le rendement. Le digestat va être valorisé sur les cultures des exploitations apportant un engrais riche en azote épandu grâce à un épandeur à pendillards.
Un atelier qui diversifie les revenus des exploitants, valorise la biomasse produite sur les exploitations, limite les achats d’intrants et apporte une réponse à la réduction des gaz à efffet de serre des élevages de ruminants.

Dernière partie de journée de retour au gîte: l’intervention de Mme Gudin, Conseillere chargée de territoire sur le secteur montagne de la Chambre d’agriculture de l’Ain avec Monsieur Gaëtan Richard, élu FDSEA à la Chambre d’agriculture,  pour expliquer le contexte agricole de l’Ain et préciser les enjeux au niveau du secteur que nous étudions.


La dynamique laitière du secteur est aujourd’hui relancée par un projet de Fruitiere à Comté, les exploitations réalisent des projets de méthanisation, l’abattoir d’Hotonnes permet de bien valoriser les bovins de la filière allaitante locale... Cette agriculture doit, comme ailleurs, relever le défi de s’adapter au changement climatique, permettre de pérenniser les structures avec l’installation de jeunes exploitants ... Cette rencontre nous a permis de mesurer l’engagement des agriculteurs élus et des salariés de la Chambre. Merci pour leur témoignage !

 

La soirée s’est terminée par un repas préparé par les élèves: salade de betteraves, haricots verts et maquereaux, yaourt et fruit: simple, bon et copieux !

 

Jour 3 : une journée sur le thème du lait !

 

Après avoir découvert des exploitations en bovins allaitants il n’était pas envisageable de ne pas étudier de plus près la filière « Lait » de ce territoire ! Et l’une des plus « prestigieuse » : la filière Comté !

 

Nous avons donc commencé notre journée par la visite de la fromagerie de la Combe du Val à saint Martin du Fresne. Cette coopérative en gestion directe qui regroupe 16 exploitations laitières transforme le lait des adhérents (6 million de litres par an) en comté, une AOP au cahier des charges strict mais qui est aujourd’hui rémunérateur. Arrivés tôt nous avons pu observer le travail des fromagers grâce à la galerie de découverte qui a été créée. Un petit film a permis de mieux comprendre les différents aspects du cahier des charges qui président à l’obtention d’un lait propre à la transformation en ce fromage au lait cru et qui dictent les étapes de la transformation fromagère. L’affinage est confié à un affineur qui réalisera un travail en cave de 4 mois au minimum mais qui peut aller jusqu’à 24 mois. Un test permettra d’attribuer la fameuse bande verte pour les produits au top ou marron pour les fromages qui n’obtiennent qu’une note entre 12 et 14.

Monsieur Burdet, exploitant et vice-président de la coopérative, est venu nous rejoindre pour expliquer le principe de la gestion directe. Ce fonctionnement permet aux coopérateurs d’être impliqués à tous les niveaux des décisions depuis la collecte du lait jusqu’à la valorisation du fromage. Cela permet d’avoir une rémunération du lait optimale mais nécessite aussi un engagement important des administrateurs. Le principe de rémunération est basée sur la fixation d’un prix de base puis au bout des 6 premiers mois une ristourne sera versée en fonction du volume de lait livré et de la valorisation du fromage sur cette période. Idem après le deuxième semestre. En fin de campagne laitière (au mois de mars ) un bilan définitif est établi qui permet de verser la dernière partie de la paye du lait aux producteurs. Ce système permet d’atteindre un prix de 580 €/1000 L. Cette rencontre a permis également aux élèves de se rendre compte d’un autre volet du travail d’un agriculteur coopérateur : celui d’Administrateur de coopérative avec toutes les responsabilités et implications que cela demande.

 

Notre deuxième visite s’est déroulé sur le GAEC de l’élevage Vuaillat où le père est associé à sa fille Victoire. Cette exploitation où la race montbéliarde est sélectionnée de longue date a pris la décision de rejoindre un groupe de producteurs de lait du Valromey pour créer une nouvelle coopérative avec la création d’une fruitière en Comté. Pour ces deux exploitants cette opportunité a permis de mener à bout le projet d’installation de sa fille. En effet sans cela la conjoncture laitière sur le secteur ne permet qu’une valorisation en lait conventionnel. Or, après la reprise de la laiterie Guilloteau (connue pour sa spécialité fromagère « Le pavé d’affinois ») par une coopérative de l’ouest, le prix du lait proposé a été revu à la baisse en l’alignant sur le prix du lait national ! Une trentaine de coopérateurs dissidents a quitté cette coopérative et 14 d’entre eux ont initié cette réflexion sur la création d’une coopérative.

Ceci laissait augurer d’un prix attractif (450€/1000 L au départ en espérant pouvoir l’améliorer dans le temps pour atteindre les prix pratiqués ailleurs dans la filière comté) à conditions de pouvoir respecter le cahier des charges Dans le cas précis du GAEC il fallait envisager d’adapter la ration en privilégiant le foin. C’est pourquoi ils ont modifié leur bâtiment en créant deux cellules de séchage en grange de manière à récolter un foin et regain de qualité en place de l’enrubannage. Ceci a permis d’atteindre un niveau de production de 8000 kg /VL/an en moyenne sur le troupeau en respectant la limite de quantité de concentrés par VL et cela grâce à un troupeau au potentiel génétique réputé.

 

L’après-midi nous avons rencontré Le GAEC Berne avec deux frères associés depuis 2016. Ces exploitants ont, quant à eux, opté pour une solution différente après avoir été confrontés à la même mésaventure que le GAEC Vuaillat et subi un prix du lait ayant atteint au plus bas 220€/1000 L. En effet ils ont préféré miser sur une production standard (sans cahier des charges) mais en s’associant à la coopérative de Frangy (74) « Les fermiers savoyards » qui leur proposent un prix de base du lait à 351€/1000 L (presque 390€/1000 L avec l’effet qualité). Ce choix s’explique d’un part sur une Surface Agricole Utile de 110 ha trop limitante pour réaliser une alimentation à base de foin et de pâturage surtout sur des années sèches. Avec le cahier des charges cette surface le leur permettait pas non plus de maintenir leur production de lait d’environ 575000 L de lait comme c’est le cas aujourd’hui (limitation de la production à 2800 L/ha de SFP. D’autre part leur troupeau de race montbéliarde atteint aujourd’hui une production de 9400 L/VL/an (avec la possibilité d’atteindre facilement en année normale les 10000 L/VL/an) et cela représente une des motivations des exploitants à réaliser ce travail. Ils sélectionnent en effet leurs animaux sur le lait, la morphologie et la mamelle car ils cherchent des animaux dont le type sera apprécié dans les concours. Du coup leur ration est basée sur l’ensilage d’herbe (avec 19 ha de culture de maïs), de l’ensilage d’herbe (10 ha de prairies multi-espèces, 5 ha de luzerne, 5.5 ha de Ray Grass Hybride ou Italien) voire de l’ensilage d’épis de maïs si le rendement du maïs le permet. Ils arrivent ainsi en année normale à équilibrer leur bilan fourrager. Cette ration permet en outre de mieux valoriser les bêtes réformées qui bénéficient d’une alimentation énergétique. La maîtrise de la qualité du lait est une préoccupation des exploitants qui veillent à avoir des animaux en bonne santé (importance de la surveillance). Pour le suivi de reproduction des échographiées sont réalisées 1 mois après le vêlage et un mois après la première Insémination Artificielle. Le Contrôle laitier calcule et corrige si nécessaire la ration des VL une fois par mois. Le vétérinaire est peu sollicité mais des soins préventifs sont réalisés (par exemple au tarissement). Les génisses élevées sont génotypées mais sont presque toutes élevées jusqu’à leur premier vêlage ce qui permet de faire du tri. Un nouveau bâtiment en aire paillée qui est en construction dans le prolongement du bâtiment actuel des VL va bientôt être opérationnel ce qui permettra de faire des lots d’animaux (animaux de réforme, vaches taries en préparation au vêlage…). C’est avec ce système intensif mais autonome sur le plan fourrager que les deux frères se réalisent : un tour dans le pâturage des VL a permis de voir des VL en parfait état au bout de plusieurs lactations (même si le rang moyen est de 2,6 lactations sur le troupeau), des animaux avec des lactations à plus de 13000 L de lait sur une lactation et une avec plus de 100000 L de lait produit au cours de sa 9éme lactation ! Un modèle de système laitier pas courant en Haute-Savoie mais qui reste cohérent dans le contexte étudié et qui correspond aux objectifs des deux éleveurs dans l’âme qui nous ont ouvert leurs portes cet après-midi.

 

Pour terminer cette journée bien chargée un dernier rendez-vous avec Victoire Vuaillat rencontrée le matin et Monsieur Berthier, président de la fruitière du Valromey, sur le site de la future fruitière à Virieu le Petit a permis de boucler cette étude de la filière laitière. Choix de l’emplacement, estimation du potentiel de collecte sur la zone (le cahier des charges limite la zone de collecte à un rayon de 25 km), budget et mode de financement de l’étude puis de la construction…Monsieur Berthier a détaillé ce travail de longue haleine mais qui est porté par des exploitants motivés et qui a reçu très rapidement le soutien de l’interprofession de la filière Comté, des politiques locaux, départementaux et régionaux.

Avec une collecte de lait estimée dans un premier temps à 5 millions de litres de lait mais dont seulement 60% est référencée pour produire du comté (système des plaques de caséine qui sont gérées par le CIGC) la fruitière va donc produire du comté, affiné par un affineur local basé sur Nantua, et des fromages de montagne (raclette et tomme) pour lesquels tout reste à bâtir (clients, circuits de commercialisation…).

D’ores et déjà les agriculteurs peuvent se satisfaire d’avoir pu grâce à ce projet sauvegarder 2 exploitations du secteur et sûrement pérenniser d’autres élevages laitiers à l’avenir.

Le comté est un fromage qui n’est pas près de se voir détrôner au 1er rang des AOP fromagères françaises car il apporte une garantie sanitaire liée à son process de transformation où le caillé est chauffé (ce qui limite les risques de contamination bien qu’il s’agisse de lait cru), une garantie gustative grâce aux progrès technologiques d’affinage en cave, et au suivi qui est réalisé tant du point de vue organoleptique que dans la production du lait et enfin est un produit apprécié pour sa « facilité » de conservation qui en fait un fromage plébiscité par les consommateurs. Autant d’arguments pour croire à ce projet et se convaincre que le prix du lait payé au producteur ne peut que progresser, au pire se maintenir !

 

Fin de cette longue journée par un passage à la cascade su pain de sucre juste au-dessous du gîte…où certains ont même fait preuve de courage en se baignant dans une eau à 8° ! Retour au gîte pour un bon repas agrémenté de quelques douceurs (gâteau au chocolat et pain d’épices !).

 

Rédaction : Guillaume BOUCHET

Responsable du Bac STAV Production