Voyage d’étude en Croatie
Promotion BTS Aquaculture 2015-17
Organisation & Encadrement : Sébastien Tavan & Toni Jourdan
À la demande des élèves, le voyage d’étude annuel de la promotion des BTS Aquaculture 2015-17, s’est déroulé en Croatie. Comme chaque année, ce voyage à l’étranger permet aux étudiants de prendre un peu de recul par rapport à la situation aquacole française grâce à quelques visites d’entreprise. Cette tournée à l’étranger leur permet également de s’adapter à une autre culture et à un contexte particulier où la flexibilité est de rigueur.
Jour 1 : Objectif Split
La journée commence tôt, rendez-vous à 6h au lycée pour une matinée « transport » : car pour Genève, avion Genève-Split (la découverte d’un nouveau mode de transport pour certains élèves) puis car aéroport-auberge de jeunesse.
Pas le temps de manger, notre première intervenante nous attend à la Chambre de Commerce de Split à 14 h. Danica Poparic nous présente l’aquaculture en Croatie, son histoire et ses spécificités. Nous apprenons notamment que l’aquaculture croate connaît les mêmes limites qu’en France. La croissance exponentielle du tourisme en Croatie rentre en concurrence avec le développement aquacole. La filière a cependant la possibilité de se développer dans les 700 îles réparties dans l’Adriatique.
Quartier libre pour découvrir Split, les étudiants découvrent une vieille ville des plus séduisantes, une ville moderne parfaitement intégrée dans une architecture d’époque romaine. L’augmentation croissante du tourisme à Split se ressent dans la vieille ville, au niveau des prix et à la vue de l’importante quantité d’épiceries fines bien léchées qui contrastent avec le « marché du quartier », local.
Jour 2 : Balade insulaire sur Hvar
Départ à 6h pour Drvenik, nous prenons ensuite le ferry pour Sucuraj, ville à l’extrême Est de l’île de Hvar. Nous avons rendez-vous avec Renato Jaksic, gérant de Hama, une entreprise qui fait du grossissement en cage de bar (lupin en croate), daurade (orada en croate) et maigre (hama en croate d’où le nom de l’entreprise). L’entreprise compte également une écloserie qui produit du maigre.
Rendez-vous 9h, Renato Jaksic n’est pas là. Après un bref entretien téléphonique, il explique avoir eu un empêchement. Nous devrons nous adapter. Les deux employés présents à l’anglais respectivement médiocre et nul, nous emmène par groupe de 8 sur les petits bateaux utilisés pour le nourrissage après négociation avec Boris.
Nous nous baladons sur les cages en analysant ce que nous pouvons voir tout en interrogeant « avec les mains » aux employés. Une trentaine de cages fonctionnelle sont installées dans un fjord avec des caméras de sécurité de part et d’autres des côtes. Les poissons, bar et daurades, proviennent d’une écloserie française et sont poussés jusqu’à 500 g. Une cage contient un stock de géniteurs de maigre de la côte Atlantique.
Après la visite, nous partons à la découverte de l’île de Hvar en nous dirigeant vers l’Ouest. Boris nous permet de visiter un musée artistique familial. Une dame nous présente sa maison et son histoire dans un bon français et nous offre des mandarines. Nous mangeons à Jelsa avant de prendre le ferry à Stari Grad.
Jour 3 : Split-Zadar
Notre unique visite de la journée a lieu à midi à l’Institute of Oceanography and Fisheries.
Cet institut est composé de 8 laboratoires travaillant sur des problématiques liées à l’océanographie et la pêche, l’un d’eux concerne l’aquaculture. Tanja Segvic nous présente les sujets étudiés au sein du laboratoire d’aquaculture, souvent relatifs aux interactions environnement-aquaculture :
- Quantifier et gérer l’impact des daurades sur la mytiliculture : filet, sonars…
Les daurades se nourrissent naturellement de coquillages. Leurs dents acérées leur permettent de briser la coquille notamment des moules. Elles peuvent manger jusqu’à 54% d’une filière de moule et ont donc un impact non négligeable sur la mytiliculture. Le laboratoire a étudié la fonctionnalité de sonar sur des filières. L’émission d’ondes sous-marines autour des filières permet de repousser les daurades et ainsi limiter leur impact. Cette technologie n’a pas encore été mise en place dans les fermes et est encore à l’étude. Selon Tanya Segvic, les poissons pourraient s’habituer rapidement à ce procédé.
- Étude des dangers de l’Anisakis par rapport à la consommation de poisson crus.
L’Anisakis est un parasite qui se retrouve naturellement dans les viscères de poissons. Au moment de l’abattage, ces nématodes migrent dans les muscles et sont donc présents dans le poisson au moment de la consommation. La consommation de poisson cru pourrait donc présenter un risque pour le consommateur et c’est justement un des modes de consommation du thon. Le laboratoire étudie actuellement les risques d’Anisakis avec un hôte paraténique (le bar) et un hôte accidentel (le rat).
- Impact des « échappées » sur le milieu naturel.
Les poissons s’échappant des cages peuvent appauvrir la diversité génétique des populations locales, rentrer en compétition avec ces populations locales et, en s’hybridant avec des populations génétiques éloignées (atlantique / adriatique), diminuer le succès de reproduction et donc la survie d’une espèce. Le laboratoire compare la morphologie des daurades sauvages et celles provenant de cages par morphométrie. Il est facile de différencier les deux morphotypes mais les échappés changent peu à peu pour tendre à une morphologie type sauvage. Le laboratoire étudie actuellement le temps nécessaire au poisson pour changer de morphologie.
D’autres sujets sont à l’étude comme les probiotiques ou l’étude des annélides et leur capacité de régénération.
Cas particulier de la production de thon, en Croatie.
4 fermes en Croatie font du grossissement de thon rouge (Thynnus thunnus), essentiellement pour le marché japonais. Les poissons sont pêchés à 2-3 kg et ils grossissent jusqu’à 300 kg avec du poisson entier de pêche. Le sujet reste trouble avec une volonté de présenter une production plus durable que le voisin espagnol « ici pas d’engraissement, c’est du grossissement », mais qui reste dépendante du recrutement de thon L’Institut est en étroite collaboration avec les entreprises productrices de thon. Les écloseries sont incapables de produire des larves de thon. Pour en produire, il serait nécessaire d’avoir à disposition des larves de daurades en plus du zooplancton de base et donc une écloserie de « poisson-proie » intégrés au sein de la structure. Il semblerait que la filière « thon » ait fait peu de progrès depuis ses débuts, avec des difficultés persistantes dans la réalisation du cycle biologique et une dépendance au milieu naturel en ce qui concerne l’approvisionnement en juvénile.
Nous partons ensuite pour 2 h de trajet direction Zadar.
Jour 4 : Écloserie de Nin
Samedi matin, départ pour Nin, petite ville qui héberge la plus grande écloserie de Croatie appartenant au groupe Cromaris. Comme souvent en Croatie, c’est une femme qui nous fait visiter l’écloserie, Lana Vidovic.
Récemment rénovée, le premier cycle a été lancé cette année. Cette écloserie est divisée en deux parties symétriques, bar et daurade. Si les structures sont très récentes, le fonctionnement reste traditionnel avec des systèmes proches voir moins évolués que les écloseries françaises.
L’après-midi, les étudiants visitent Nin puis Zadar, bien moins touristique que Split sa voisine dalmatienne. Nous partons écouter la mélodie de la mer à travers l’ « orgue de mer », un système ingénieux qui a fait de la berge un instrument de musique, et la houle son orchestre.
Jour 5 : Plitvice
Jour de repos, aucune visite n’a été programmée ce dimanche. Nous partons à 8h de Zadar pour le célèbre Parc National de Plitvice.
Quartier libre, les étudiants carte en main, explorent cette sublime succession de lacs et de cascades. 3 h de marche à admirer ces paysages automnales qui regorgent d’eau et de poissons.
Nous repartons pour 3 h de route, direction Split.
Jour 6 : Ston & Dubrovnik
6h du matin, direction le sud de la Croatie pour Ston et ses productions ostréicoles. Nous traversons la Bosnie, pas de contrôle pour les français, le chauffeur a simplement à hurler « français » par la fenêtre pour passer les douanes. En longeant la côte, nous pouvons déjà voir toutes les filières d’huîtres dans le fjord bordé par la côté et la péninsule de Ston.
Nous arrivons à Bota Sare, célèbre restaurant luxueux Croate. Un splendide bateau nous attend pour une visite des filières. Dégustation d’huîtres plates et vin croate dans la péninsule de Ston puis présentation de la production.
Les naissains sont captés sur des filets en nylon. Il est nécessaire de les installer à la bonne période (mai-juin) pour éviter la fixation des moules. Les ostréiculteurs élèvent uniquement des huîtres plates (Ostrea edulis) sur corde. Elles sont cimentées par 2 ou 3 sur des cordes et grossissent pendant 3 ans au minimum avant d’être commercialisées en direct via des restaurants.
L’ostréiculteur semble avoir une vraie volonté de rester dans le traditionnel avec une production qui se perpétue génération après génération. Il refuse catégoriquement d’importer quoi que ce soit qui concerne la conchyliculture dans son fjord (huîtres creuses et méthodes d’élevage).
L’après-midi, nous visitons Dubrovnik. Les étudiants se baladent dans la vieille ville à la recherche des quartiers filmés dans la série « Game of Throne ». Bien qu’assez charmante, Dubrovnik est victime de son succès touristique, surpeuplé, chère et dépourvue de cultures locales.
Jour 7 : Université et retour à Split
Le lendemain, après plusieurs détours et galères dans la ville de Dubrovnik, absolument pas adaptée pour la circulation en voitures, encore moins des cars, nous arrivons à l’Université. Elle héberge la seule formation aquacole du pays. Josko nous fait une courte présentation de la formation aquacole croate puis Romain Breyton, élève à l’ISETA, présente aux croates son stage en Écosse dans une écloserie de saumon. Les élèves croates emmènent ensuite les élèves de l’ISETA pour échanger pendant que nous discutons « aquaculture » avec les trois enseignants croates qui nous ont accueillis.
Nous repartons ensuite pour la dernière étape de notre voyage, retour à Split.
Le dernier soir nous mangeons au restaurant avec les élèves, au menu, thon frais en sauce, sèche, macaroni aux fruits de mer, que de délicieux plats traditionnels dalmatiens qui nous font passer une formidable soirée.