Quand la forêt nous apprend…
Une phrase célèbre dit que « Tu trouveras dans les forêts plus que dans les livres. Les arbres et les rochers t'enseigneront les choses qu'aucun maître ne te dira. » (Saint Bernard). Alors même si l’on a ce rôle de transmission en tant qu’enseignant, il faut avoir cette humilité et cette conscience de savoir que le métier de forestier s’apprend d’abord et avant tout sur le terrain et en observant la nature et cet écosystème vivant, qui, comme le montre des découvertes récentes sur l’ancienneté des forêts persistent depuis plus de 350 millions d’années.
Et s’il faut bien transmettre des connaissances forestières et des bases techniques pour comprendre la sylve, il faut toujours avoir en tête que la théorie ne fait pas tout. Vue d’un bureau, la forêt est facile, maîtrisable, gérable… Elle est heureusement et sur le terrain plus subtile, pleine d’imprévus mais aussi de merveilles, d’émotions et pleine de ces éléments que l’on ne perçoit pas, que l’on ne connaît pas encore ou que l’on découvre à peine, comme ces relations dans le sol si puissante entre les arbres et les mycorhizes, comme ces composés organiques volatiles qu’émettent les arbres et que l’on ne voit pas…
Alors, face à cela, rien ne remplacera jamais l’observation de terrain, cette sensibilité du forestier qui lui fait ressentir la forêt, cette compréhension de l’écosystème qui nous est dictée par la subtilité de ce que l’on voit, en contradiction parfois avec ce que l’on prétend savoir. Et c’est sans doute cette sensibilité qui fera un bon forestier, celle-là qui fait sentir quand l’arbre atteint son optimum économique ou au contraire quand il peut encore grossir ; celle-là qui fait sentir que le houppier de tel arbre est en souffrance et qu’il a besoin d’espace… Ce n’est pas à la mode pourtant, souvent décrié dans un monde où l’on voudrait tout mettre en chiffre et en équation pour mieux le contrôler. C’est pourtant là la plus grande force du forestier, sa passion et son amour des arbres, cette façon d’aborder la forêt avec toute son âme et en fonction de ce qu’il est. Les arbres nous l’apprennent, du haut de toute leur histoire, la forêt nous le rappelle souvent, nous ramenant à l’humilité et nous voici qu’avec une seule option, juste laisser faire le temps pour apprendre et apprendre encore, comprendre ici la venue d’une tâche de régénération, là la réaction d’un arbre à une mise en lumière…
Oui, c’est là le travail du temps, là que chaque sortie en forêt nous rend meilleur, là que le plaisir d’être en forêt et d’en percevoir chaque détail rejoint le plaisir du technicien, là que la technique devient sensibilité au vivant et que véritablement on peut atteindre la vocation du forestier « imiter la nature, hâter son œuvre »…
Et parce qu’il faut naître chez les futurs forestiers ce respect de la sylve autant qu’un savoir-faire technique, rien ne remplace les sorties sur le terrain et les découvertes de forêts variées et diversifiées. Et si à chaque sortie, il y a un objectif forestier précis, que ce soit dendrométrique, stationnelle, ou sylvicole, nul doute que la rencontre avec une multitude de forêts nourrira le parcours des étudiants et leur réflexion forestière.
Des forêts feuillues de l’avant pays savoyard aux peuplements de l’étage subalpin en montagne en passant par les futaies régulières résineuses de l’étage montagnard, il n’y a que l’embarras du choix dans notre région alors profitons-en.
Et profitons de ces ambiances à chaque fois différentes, toujours intéressantes et qui, ici, dans une ornière avec un sonneur à ventre jaune, là, dans ces charpentières qui témoignent d’une sylviculture passée en taillis sous futaie, nous apprennent tant de choses sur la vie de la sylve. Et avec humilité surtout, reconnaissons finalement une chose : ce n’est pas forcément nous qui apprenons la forêt mais surtout et d’abord la forêt qui nous apprend…
Sylvestre Vernier, co-responsable BTSA Gestion Forestier temps plein.